Et si on réapprenait à lire ?
- Roseline Pendule

- 30 oct.
- 3 min de lecture

Nous croyons savoir lire sous prétexte que nous avons appris à déchiffrer, à prononcer et à comprendre des phrases, mais lire, vraiment lire, demande autre chose. Au-delà d'une compétence, lire doit être une expérience. Alors, si on réapprenait à lire ?
Lire n’est pas consommer.
Aujourd’hui, nous faisons tout vite : les obligations quotidiennes, le travail et même les loisirs. Nous lisons donc vite comme nous scrollons, nous picorons, nous survolons. Dans quel but ? Pour battre quel record ? Et qu'est-ce que cela nous apporte vraiment ?
En lisant vite, nous avalons des mots sans les goûter. Or, la lecture, la vraie, est une rencontre. Une conversation entre nous et le texte, entre notre monde et celui d’un autre. C’est un dialogue intérieur où chaque mot peut renvoyer une question :
Qu’est-ce que je pense, moi, de ça ? Qu’est-ce que ça réveille en moi ?
Un temps est alors nécessaire pour répondre.
Lire, ce n’est pas se distraire du réel. C’est plonger dedans autrement.
Lire, c’est apprendre à penser.
Un bon livre n’est pas celui qui nous dit quoi penser, mais celui qui nous oblige à réfléchir, à douter, à comparer, à nous émouvoir. Chaque lecture est un terrain d’entraînement de l’esprit critique. Une manière de structurer la pensée, de nourrir la curiosité, de tisser des liens entre les savoirs, les émotions et le monde.
Lire demande de penser par soi-même et c’est peut-être l’acte le plus libre que nous puissions poser dans une journée. Si nous acceptons d'en prendre le temps. Et, comme d'habitude concernant le temps, je dis bien prendre et nous trouver ou espérer l'avoir ou se rendre compte que l'on ne l'a jamais. Il faut juste le prendre.
Lire, c’est aussi sentir.
Un texte est une vibration. En écriture, je dis souvent que c'est une énergie. Il y a de cela aussi dans la lecture. Une phrase peut nous bouleverser, nous élever, nous faire éclater de rire ou de lucidité. Et ce frisson-là, celui que nous ressentons quand un mot tombe juste, c’est de la bibliologie émotionnelle.
Nous ne lisons pas seulement avec la tête. Nous lisons avec notre cœur, notre corps, nos souvenirs. La lecture nous traverse, nous transforme. Et je ne par le pas ici de lecture thérapeutique, de bibliothérapie, où l'on recherche volontairement un ouvrage littéraire dans une quête de guérison psychologique.
La rencontre bibliologique se fait à n'importe quel coin de page, sans état d'âme ou d'esprit particulier. Elle est accessible à tous, tout le temps.
Lire, c’est créer.

Chaque lecture est une recréation. Nous inventons les visages, les lieux, les voix, les odeurs des lignes que nous parcourons. Nous dessinons mentalement des mondes et c’est là que la bibliologie créative commence : faire dialoguer lecture et imagination, transformer un texte en peinture, en idée, en acte, en œuvre personnelle.
La lecture est une graine, ce que nous en faisons germe alors dans notre jardin intérieur.
Lire, c’est aussi transmettre.
Quand nous parlons d’un livre, quand nous offrons une histoire à un enfant, quand nous échangeons à propos d'un passage qui nous a touchés, nous prolongeons la chaîne. Nous transformons la lecture en culture vivante, en lien, en élan collectif.
Lire devient un acte social, un acte de plaisir partagé et un acte de lumière.
C’est ça, la bibliologie.
La bibliologie définit l’étude vivante de la lecture dans toutes ses dimensions — intellectuelle, émotionnelle, créative et pédagogique — pour transformer chaque lecture en une expérience qui épanouit et développe l’esprit critique.
C’est une façon de réconcilier savoir et plaisir, de remettre la lecture au centre de la vie, et d’en faire un outil d’évolution personnelle et collective.
Et si, ce mois-ci, nous réapprenions à lire ? Lentement. Intensément. Pas pour finir un livre de plus, mais pour nous découvrir dedans.
Lire, c’est faire résonner le monde en soi avant d’y répondre. N'est-ce pas ?








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