Faire lire les enfants au temps des écrans : mission impossible ?
- Roseline Pendule
- 15 avr.
- 6 min de lecture
On ne va pas se mentir : oui, la tâche est ardue. Faire lire les enfants au temps des écrans représente une absolue nécessité. Pourtant, en tant que parents, rien ne va de soi. Alors, bien sûr, ne soyons pas exagérément négatives non plus, il y a encore des enfants qui aiment lire. Certains jeunes reviennent à la lecture après une période d’arrêt. Quant aux succès de librairie des rayons young adults, ils concrétisent l’engouement des adolescents et des plus âgés pour le livre.
Néanmoins, pour revenir à la lecture, ou s’y essayer en fin d’adolescence, faut-il encore qu’elle ait fait partie des compétences et du paysage bien des années auparavant. Tentons de voir comment faire lire les enfants à l'ère des écrans !
Faire lire les enfants au temps des écrans : le vrai danger, c’est la passivité.

A chaque fois que j’aborde le sujet des écrans, je me sens obligée de rappeler que je ne suis pas opposée à leur usage, que je ne regrette pas l’ère précédant leur arrivée massive (bon, d'accord, peut-être, en effet). Pour faire un raccourci : je regrette surtout que l’humain ait tendance à voir la vie come un remplacement plutôt que comme une cohabitation. Dans le premier cas, on rejette ce que l’on connaissait ou faisait pour tout aborder via des écrans. Dans le second, on essaie de tirer le meilleur parti des habitudes, des pratiques déjà connues et des progrès apportés par les écrans pour aller vers de véritables avancées.
Bref, le but est de peser ce qui est positif et ce qui l’est moins. Concernant la lecture, le constat est clair : les écrans sont une calamité. Et pas simplement, je le répète, pour le plaisir de les accuser de tous les maux, de nous lobotomiser, etc.
Nous savons de façon scientifique que la lecture sur écran et la lecture sur papier n’est pas la même. Les mouvements des yeux diffèrent. La compréhension globale également. Mais ce qui cause d’énormes méfaits pour tous et surtout chez les jeunes qui pourraient être lecteurs, c’est la passivité.
Pourquoi est-il si difficile de faire lire les enfants aujourd’hui ?
Les écrans ont le pouvoir de capter l’attention sans aucun effort du spectateur. Ils fournissent des images toutes faites, prêtes à être consommées. Et comme par essence le cerveau humain recherche la facilité, il s’adapte très vite à ce régime sans imagination.
Résultat : les enfants, même encore très jeunes, ne savent plus créer d’images mentales. Or, la lecture demande cet engagement, cette part active du lecteur qui en lisant ligne près ligne, va se faire son image de l’endroit ou de la scène en cours. A la base, ce travail mental est inconscient. On ne se dit pas : ouh la la, comment vais-je imaginer ce petit restaurant, à la peinture verte écaillée, dont l’odeur alléchante s’échappe depuis la porte entrouverte par des clients aux sourires rassasiés.
Mais quand on n’a pas pris l’habitude de lire, de se créer un répertoire mental constitué d’images, de souvenirs, de nos propres créations, on est dépourvu face aux récits. Parce que c’est l’activation de cette imagination qui procure en grande partie le plaisir de lire. Pas d’images mentales, pas d’intérêt pour la lecture. C’est (presque) aussi simple que cela.
Contrer la passivité pour faire lire les enfants au temps des écrans
Actuellement, les enfants sont soumis tellement tôt aux écrans que la question n’est même plus de savoir comment lutter contre les écrans. Ce qui d’ailleurs est un faux sujet. Si on ne voulait pas des écrans, il suffirait de ne pas les faire. Pourquoi prétendre vouloir lutter contre une chose que l’on a créée, qui ne dépend que de nous ? Mais c’est une plus vaste problématique.
Pour ce qui nous concerne au quotidien, la question serait davantage : comment redonner au cerveau de nos enfants le goût de la curiosité, de l’imagination et de la lenteur active ?
Lire, entre autres choses merveilleuses et intéressantes, c’est :
Imaginer.
Explorer un monde avec ses propres moyens.
Se mettre à la place d’un autre.
Cultiver l’attention.
Créer ses propres associations, liens.
Toutes ces compétences sont essentielles pour aider un enfant à aimer lire et à privilégier les livres face aux écrans.
Faire lire les enfants au temps des écrans : actions
Alors, commençons par le plus simple : n’imposons jamais la lecture comme une corvée. C’est contre-productif à souhait. On ne peut lire que par plaisir ou intérêt. Il n’y a qu’à voir la quantité de personnes qui se sont détournées de toutes les œuvres du programme scolaire !

La lecture est un plaisir, une manière de voyager, de se détendre, de vivre des aventures, d’autres vies que la sienne, de répondre à ses questions, de ressentir mille émotions, et je pourrais continuer ainsi jusqu’à demain. Le seul moyen de communiquer cela est de l’incarner. Montrez-vous un livre à la main. Ne lisez pas seulement le soir quand les enfants sont couchés. S’ils ne vous voient jamais lire, ils ne peuvent pas s’imaginer que c’est important. Lisez avec les enfants, quels que soient leurs âges. Parlez de vos lectures devant eux, avec eux. Parlez de ce que vous ressentez quand vous lisez, même lorsque cela vous a moins plu, mais sans en faire une tranche de publicité pro lecture. Ce qu’un enfant voit, il l’imite. Ce qu’il ressent à travers vous, il l’intègre.
Des moments choisis pour faire lire les enfants avec plaisir
Laisser de la place au vide peut également raccrocher à la lecture. Cette activité se passe de bruit, requiert même le calme, mais sans disponibilité, sans vacance de l’esprit, pas de place pour la lecture. C’est une chose ardue à mettre en place, car cela signifie des moments sans sollicitation extérieure, sans écrans, sans combler par de la musique forte ou la télévision qui n’est même plus considérée comme un « vrai » écran (!).
Pour amener ce qui peut ressembler à une épreuve, misez sur des temps très courts pour commencer et faites que l’espace-temps soit faussement vide. Il sera plus aisé de faire une pause lecture à deux dans un parc avec le bruit vague des passants et des oiseaux que de tout couper net à la maison et d’obliger à s’installer dans le salon au silence assourdissant.
Il est aussi possible d’associer le moment lecture sur papier avec un plaisir déjà connu. On choisit ainsi, par exemple, de lire après le goûter quand on a le plaisir de se retrouver, on va choisir ensemble la future lecture à la bibliothèque, on crée la pause lecture en famille le samedi avant que chacun vaque à ses occupations.
Comment faire lire les enfants au temps des écrans ?
Créer un rituel sacré : 10 minutes de lecture tous les soirs, ensemble. Même court, même simple. Ce qui compte, c’est la régularité et l’ambiance. Une lumière douce. Une voix calme. Une bulle.
Laisser le choix du livre : ne proposons pas un bon livre. Proposons des tas de livres. Et laissons les enfants choisir, même si ce n’est pas notre style. Oui, même une BD sur les frites zombies ! (Je n’ai pas dit que faire lire les enfants était drôle pour les parents !)
Passer par la lecture partagée : lire à deux voix, lire chacun son tour, faire des voix de personnages, improviser. Lire peut être une activité vivante, drôle, complice.
Créer un coin lecture désirable : une couverture et des coussins pour les plus jeunes, un vrai coin de lecture avec fauteuil et plaid, comme pour les adultes, pour les préados. L’espace compte autant que le livre et il marque une activité précise afin de profiter de ce lieu-là.

Si c’est difficile malgré tout, utilisez les écrans comme alliés en associant la lecture du livre papier à l’écoute du livre audio. L’écran n’est pas loin, mais on n’a pas les yeux dessus. On suit les lignes sur le papier avec une présence sonore supplémentaire. Après quelques séances ainsi, on en fera une courte où l’on n’a pas le temps de lancer le livre audio, tant pis…
Je vous ai préparé une checklist prête à l’emploi pour vous aider à mettre en place des rituels de lecture efficaces, même si votre enfant préfère les écrans.
Téléchargez-la gratuitement ici : Faire lire les enfants au temps des écrans.
Construisez une vraie habitude de lecture à la maison, pas à pas.
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