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  • Roseline Pendule

Lettre impressionniste


Depuis plusieurs mois déjà, ma plume me démange et, régulièrement, elle écrit des lettres. Des missives d'un personnage historique à un autre, comme ça, pour le plaisir des mots, de cette forme épistolaire si douce et de ces informations sur les hommes du passé que j'aime croiser, fouiller, partager.

Alors, je mets ici celle qui fut la première à avoir eu besoin de s'exprimer.

Nous sommes en 1870, la guerre franco-prussienne fait rage en notre pays et de nombreux artistes, ne voulant pas saisir les armes et n'ayant pas les moyens de payer un individu les remplaçant sur le champ de bataille, sont obligés de quitter la France. Notamment pour l'Angleterre.

Je vous laisse découvrir nos correspondants :

Bordeaux,

Décembre 1870.

Mon cher ami Monet,

Comment se déroule votre séjour contraint Outre-Manche ?

Le mal du pays ne se fait-il pas trop cruellement sentir ? Le petit Jean a dû grandir…

Laissons là les banalités. Cette missive t'apporte une dramatique nouvelle et je connais trop bien ton franc-parler pour te faire l’affront de tourner autour des mots.

Notre précieux comparse Bazille est tombé au combat à la fin du mois dernier. A peine engagé, le voici au rang des tués de guerre. Comme tu le sais, il avait refusé l’achat d’un remplaçant et j’ignore encore si je dois admirer son courage ou blâmer son inconscience. Ce doit être ma peine qui parle. Lui, au départ, si indifférent à la politique s’est laissé happer par ce conflit dévorant.

Le dernier assaut de son bataillon tentait d’affecter des Prussiens cachés dans le cimetière de Beaune-la-Rolande. Alors que la retraite s’annonçait, des éclats d’obus ont eu raison de notre Bazille. Notre grand Bazille, comme tout le monde l’appelait. Je me souviens encore de la fixation que tu faisais sur la taille de ses jambes de sauterelle lorsque nous l’avions rencontré à l’atelier de Gleyre…

De ce que j’en sais, son père a retrouvé son corps dans une fosse commune déjà à moitié dissimulée par la neige et a pu le ramener chez eux, à Montpellier, pour lui offrir une tombe digne de ce nom.

Mon cœur pleure et notre éloignement n’en est que plus douloureux. Je n’ai jamais vécu un hiver si glacial, il semblerait que la météo s’harmonise avec notre quotidien.

Je t’abandonne sur ces tristes mots, mon bataillon m’attend. En espérant te lire prochainement et que cette fichue guerre me réserve un meilleur sort…

Sincèrement,

Renoir.

P.S : Je te ferai suivre la lettre que le père de Bazille m’a envoyée pour me prévenir, il y évoque si justement son fils…

Le Jeune Soldat

Auguste Renoir, 1880

Huile sur toile

Coll. de M. et Mme Mellon.

Aimeriez-vous recevoir ces lettres dans votre boite mail ou votre boite aux lettres ?

J'espère que oui, car je prépare quelque chose...

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